Une soirée comme j’en passe trop souvent ces temps-ci. Le deuxième étage est baigné dans le rayonnement fictif des lampes suspendues. Le silence n’est brisé que par mes soupirs et les bruits des pages qui se tournent. Pas de fenêtre, mais l’horloge m’indique qu’il est aux environs de dix-huit heures dehors. Je soupire encore longuement, attablé à mon bureau. Bureau de bois marron, un stylo et une feuille de papier. Oui… De papier. Je le fabrique moi-même, j’en suis à deux feuilles par jour, mon rendement pourrait s’améliorer si l’on ne venait pas me déranger tout le temps.
Cette feuille est entièrement blanche. Trois mois qu’elle est ainsi : vide et inutile, comme mon inspiration. Je ne parviens pas à écrire. Rien ne vient, et tout ce que je pourrais mettre est nul. Je n’ai plus le goût à écrire. La directrice me dit qu’elle aime mes écrits… Mais je veux plus que ces simples histoires. Des larmes, de la trahison, des sentiments, des erreurs. J’ai besoin de tout ça dans mon projet, dans cet objectif… Dans mon livre. Je jette le stylo. Je vis enfermé ici, dans mon coin de paradis… Mais je me sens étouffé. Je me prépare pour faire ce que je déteste, mais qui m’est absolument nécessaire : sortir. Voir la ville, éviter les gens, respirer cet air immonde non filtré et subir l’agression du soleil couchant.
Je descends de l’étage sacré pour rejoindre ce monde immonde rempli de cette… Technologie. Je ferme les yeux et me dirige vers la porte. Cette dernière ouverte, je regrette mon idée, déjà mauvaise de base. Le soleil couchant agresse mes yeux et je dois prendre dix secondes pour faire cesser cette brûlure. Finalement, j’avance dans ce labyrinthe puant et bruyant. Des gens se poussent et s’évitent. Certains en pointent d’autre du doigt pour casser du sucre dans leur dos. Ils se croient supérieurs alors qu’ils ne valent pas plus que des insectes grouillants et détestables. J’avance pour me diriger vers la seule boutique acceptable : un artisan de stylos et de plumes. J’ouvre la porte.
-Tiens… Le misanthrope. -Salut Bill. -Que puis-je pour toi, moi le détestable insecte grouillant ? -Tu sais ce que je pense vraiment de toi… -Oui, mais tu sais que j’aime te taquiner. Alors, de quoi tu as besoin ?
Bill à retrouvé le sourire, c’est un homme d’une cinquantaine d’années aux poils poivre et sel. Il me fixe, amusé de se moquer de moi. Vingt-cinq ans d’écart minimum et j’ai parfois l’impression d’être plus mature que lui. On reste bavarder durant une heure, dans son salon spécial. Ici rien n’a moins de cent ans, mis à part la nourriture. Je verrais cet homme, comme le scientifique un peu génial mais complètement fou. J’admire son courage d’affronter cette société haïssable.
-Bon, je vois que tu as des soucis, mais j’ai de quoi te redonner le sourire.
Il dépose un paquet sur la table. Non, retirez ça, un étui finement ouvragé… Ma curiosité piquée à vif, je lui demande si je peux ouvrir, ce à quoi il me répond d’une affirmation de la tête. J’ouvre délicatement le trésor… Et quel trésor. Une plume d’oie blanche et cintrée de noir, accompagnée de son encrier, dans son plus parfait état.
-Elle a dû te coûter une fortune ! -Oui… Mais j’accepte de te la prêter. En échange, je veux une dédicace sur la première page du livre. -C’est juré.
Je la remballe avant de m’incliner pour le remercier et m’enfuis presque en dehors de la boutique. À peine dehors, un éclair me fait sursauter et la pluie se met à tomber, je dois m’abriter. Le ciel est noir, les éclairs nombreux. Je fonce sous un porche et tente de m’abriter. Je suis seul, mais j’ai l’impression que quelqu’un arrive.
Comme chaque soir où elle ne travaillait pas, Kayna n’avait aucune idée de ce qu’elle pourrait faire. Ses dernière soirées libres avaient été mises à contribution pour les Insurgés, où elle avait notamment dû passer beaucoup de temps parmi les Partisans. Encore la veille, elle se promenait au bras d’Asuko dans une soirée mondaine et si ça ne s’était pas mal passé, elle serait à ces côtés dès à présent. Mais il n’avait pas du tout apprécier son comportement, elle avait laissé apparaître son caractère naturel, un caractère fort qu’il n’avait pas apprécier. Elle avait perdu une chance incroyable de pouvoir fréquenter régulièrement les Partisans. Cependant, elle avait réussi à faire bonnes impressions auprès de personnes plus importantes donc tout n’était pas perdu.
Toujours est-il qu’elle se retrouvait seule ce soir sans n’avoir rien de précis à faire. Elle n’avait pas envie de rentrer chez les parents de Fuyuko, elle en avait plus qu’assez de profiter ainsi des parents son défunt ami. Elle n’y allait pour ainsi dire que pour dormir quelques heures lorsqu’elle n’était pas chez quelqu’un d’autre. C’est pour cela qu’elle se retrouvait à déambuler loin de son lieu de vie au centre ville de Matsusara. Elle avait d’abord pensé essayer de rejoindre Asuko avant de se dire que c’était probablement une mauvaise idée et qu’il valait mieux trouver un autre moyen de se rendre utile pour les Indignés. Ou pour les Insurgés…. Elle avait en effet un entretien prévu pour les jours qui suivent avec eux pour rejoindre leur organisation. Cela avait d’ailleurs été une agréable surprise que de pouvoir ainsi les rejoindre.
Elle fit le choix de s’arrêter boire un verre en terrasse, celle-ci était plutôt vide, les gens préféraient largement l’air climatisé de la pièce mais Kayna avait appris à supporter le chaud, comme elle avait appris à supporter beaucoup de choses difficiles. A cette pensée elle toucha sans s’en rendre réellement compte sa cicatrice dans le bas de son ventre, repassant le 2 du bout du doigt à travers son T-shirt. Elle n’arrivait toujours pas à se défaire de son passé même après tout ce temps. Un grand verre de soda bien frais arriva sur sa table alors qu’elle était perdu dans ses pensée. Elle releva la tête pour remercier la personne pas politesse avant de se rendre compte que c’était un robot. Elle avait failli oublié qu’elle se trouvait dans une ville bien plus riche que Tokyo, et qu’ici il ne perdait pas d’argent à employer des gens comme elle…
Elle se perdit complètement dans ses pensées et ce n’est que quand la rue commença à être surchargé de monde -du moins encore plus qu’avant- qu’elle se rendit compte qu’il était passé dix-huit heures. A cette heure ci les gens sortaient beaucoup plus dans les rues, l’air commençait à se rafraîchir, enfin, il faisait moins chaud qu’en plein après-midi on va dire…. Elle se leva en déposant l’argent de sa boisson et se glissa dans la foule en enfilant des écouteurs. Ces petites choses discrètes qui lui permettait d’écouter de la musique partout ne coûtait pas très cher et comme la musique était l’une des rares choses qui la détendait, elle n’avait pas hésité.
Soudain la pluie commença à tomber. Kayna sourit en sentant les gouttes tièdes mouiller ses bras. Elle adorait la pluie. Son dos était plus que sollicité et elle était alors capable de parfaitement se déplacer les yeux fermés. Chaque goutte qui tombait produisait une micro vibration mettant en relief la surface sur laquelle elle s’écrasait. Alors que tout le monde se cherchait un abri ou s’abritait sous des surfaces portatives, elle continuait d’avancer dans les rues qui soudainement se vidaient. Tout à coup un éclair retentit et c’est avec regret qu’elle décida de s’abritait sous un porche, si elle restait dehors en T-shirt sans rien pour se protéger de la pluie, elle finirait par se faire remarquer et elle ne cherchait pas spécialement à attirer l’attention. Mais il y a déjà quelqu’un sous ce porche. Un homme. Plus vieux qu’elle avec un paquet sous le bras. Un étranger, comme elle. Il y a assez de place sous ce porche pour deux, Kayna décide de s’y abriter tout de même.
-Salut ! Pas très agréable ce temps. Mais au moins ça à l’effet de faire descendre la température de quelques degrés !
Elle avait dis ça sur un ton calme sans sa froideur habituelle tout en éteignant sa musique. Elle ne savait pas trop pourquoi elle lui avait dit ça, ni même pourquoi elle lui avait parlé. Ce n’était pas vraiment dans ses habitudes… Peut-être était-ce la musique qui l’avait mise dans une disposition plus favorable à discuter. Ou peut-être le fait que ce soit un étranger comme elle qui l’incitait à lui parlé. Elle tenta tant bien que mal de remettre ses cheveux mouillés en place tandis que l’homme la regardait d’un air plutôt froid.
Dernière édition par Kayna Assan le Sam 16 Avr - 0:24, édité 1 fois
Sujet: Re: Rencontre sous la pluie Mer 13 Avr - 0:49
Tsss, impossible d’être tranquille. Une jeune femme vient d’arriver pour s’abriter. Elle est plutôt quelconque, mais surement que beaucoup doivent la trouver belle. Je me pousse un peu pour tenter de lui laisser de la place, mais elle est à peine à cinquante centimètres de moi. Tsss, je n’aime pas ça, je déteste ça même. Bloqué ici avec une autre personne, encore heureux que l’on vient de me faire un cadeau sinon, je l’aurais envoyé chier.
-C’est vrai que ce n'est pas très agréable.
Une réponse courte. La directrice me dit toujours de commencer au moins par ça si je ne sais pas quoi dire. J’attends un peu dans le silence, doucement brisé par le bruit des gouttes heurtant le sol. Que dire d’autre ? Partir ? Non… La pluie abîmerait la plume. Rester donc… Parler du temps c'est déjà fait… Parler d’autre chose donc ? Tsss, mais je ne sais pas quoi lui dire moi… Ah si peut-être.
-Vous n’êtes pas d’ici n’est-ce pas ? Je veux dire… Vous êtes une étrangère non ?
Super premier sujet… Et pourquoi je lui parle au fait ? Tsss, je n’aurais pas dû sortir de chez moi, je ne me sens vraiment pas à l’aise. Pourquoi, même les jours de pluie, je tombe sur plus de personnes que je ne souhaite en rencontrer ? Car rencontrer zéro personne est presque impossible ? Tsss, un jour, je pourrais me balader en ville, sans que personne ne viennent me casser les couilles. Enfin bon, je la regarde en attendant sa réponse, surement de mon air froid et sévère habituel, protégeant mon paquet alors qu'il commençait à dépasser de sous le porche sans que je ne m'en rend compte.
-Zut.
L'angle du paquet est bel et bien mouillé, heureusement qu'il est dans une boîte protégée, mais je ne supporterais pas que l'humidité ambiante y pénètre.
La pluie continuait de tomber à flots et Kayna adorait ça. Désormais il ne restait plus grand monde dans les rues, la plupart des personnes s’étaient abritées comme eux. Seuls continuaient de patrouiller quelques robots de surveillance et quelques téméraires bien trop pressés par le temps pour se permettre d’attendre que la pluie cesse. Mais Kayna avait du temps, elle n’avait rien de particulier à faire alors autant attendre ici avec cet inconnu. Cependant elle n’appréciait pas plus que ça cette soudaine proximité, elle aurait largement préféré être seule mais ce n’était pas comme si elle pouvait le faire partir… Surtout que l’autre n’avait pas l’air de l’apprécier plus que ça, ça se sentait dans ses paroles par le ton qu’il employait qu’il n’approuvait pas sa présence. Kayna sortit sa tête sous la pluie une fraction de seconde pour regarder le ciel. Et le constat était simple : la pluie n’était pas prête de s'arrêter, le ciel ne cessait de s’assombrir… Alors il ne restait plus qu’à continuer le conversation pour passer le temps.
- Oui en effet, pas très dur à deviner ! Mais ça fait environ quatre ans que je vis ici.
Le constat de cet homme n’avait pas été difficile à donner, entre sa chevelure rousse et son accent américain, on pouvait difficilement croire qu’elle était née ici… D’ailleurs en prêtant un peu plus attention à l’individu, elle se rendit compte que lui même n’était peut-être pas Japonais. Elle n’avait cependant pas réellement envie de lui retourner la question, ni même envie de discuter plus amplement avec cet homme. Elle voulait profiter de la pluie. Elle ferma les yeux, regardant la rue qu’à travers l’image qu’elle en avait de son don. Elle profita quelques instants de cette vue particulière qu’elle était la seule à avoir avant de rouvrir les yeux en entendant la plainte de l’homme à côté d’elle. Elle vit juste à temps qu’il remettait avec précaution son sac à l’abri de la pluie. A son expression, on comprenait qu’il attachait beaucoup d’importance à son contenu et celui-ci devait être assez fragile pour craindre l’humidité. Cela attira quelque peu sa curiosité mais pas assez pour qu’elle le questionne. Les gens s’attachaient à toutes sortes de bien matériel comme à la prunelle de leurs yeux. Ce sac pouvait donc contenir n’importe quoi et cela n'intéressait pas Kayna. Un silence s’établit alors entre eux. Seul le bruit des gouttes d’eau qui tombaient sur le sol se faisait entendre.
Kayna le perçut avant de l’entendre, elle ressentit les ondes que chacun de ses pas rapides produisaient. Puis il passa devant eux, elle le suivit du regard et il l’a vit. Elle imagina facilement son regard étonné même si son don n’était pas assez puissant pour discerner les expression du visage. Kayna sourit. L'homme était invisible à l’oeil nu, elle avait probablement été la seule à remarquer son passage. Un don très puissant, car même avec la pluie, à l’oeil nu elle n’avait rien discerné... Elle jeta un coup d’oeil dans la direction opposée. Rien pour le moment. Mais ça ne saurait tarder. Cet homme fuyait quelqu’un ou quelque chose… Les voilà… Kayna soupira malgré elle.
- Brigade Spéciale ! Nous recherchons un dangereux Kimyona qui vient de prendre la fuite. L’avez-vous vu passer ?
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Sujet: Re: Rencontre sous la pluie
Rencontre sous la pluie
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